Interview de Pierre Rosenthal

2 mai 2020

 

Petite interview de Pierre Rosenthal, membre du jury du concours « Il était une fois un petit jeu de rôle ». Cette interview est menée par Tiramisù le 12 Avril 2020 et enrichie des questions complémentaires de la communauté.

Pour commencer, et pour les deux du fond qui auront le plaisir de te découvrir, est ce que tu pourrais te présenter en quelques mots ?

J’ai 59 ans. J’ai commencé à être fan de SF et de BD. C’est le magazine Métal Hurlant qui m’a fait D&D en 1976, mais je n’y ai joué qu’en 1981. En parallèle je suis devenu critique de SF pour Métal Hurlant. Et en 1984, à la sortir de l’ école j’ai donné un scénario à Casus Belli qui l’a publié et proposé de travailler pour eux. En 1986 je suis devenu salarié. En 1988 j’ai créé le jeu Simulacres. Peu après Athanor. J’ai aussi traduit Magic The Gathering et écrit des « livres dont vous êtes le héros »

J’ai découvert les jeux de rôle en dévorant des magazines. J’ai, comme beaucoup de rôlistes, beaucoup de gratitude envers les personnes qui m’ont fait découvrir le jeu de rôle. Comment vis tu cette notoriété ?

Personnellement, je pense que c’est la notoriété de Casus Belli plus que la mienne. Les gens pensent parfois que je l’ai dirigé car on me confond souvent pour Didier Guiserix. Je la vis pas trop, j’y suis très rarement confronté.

Tu as créé en 1986 SimulacreS, un jeu de rôle bien particulier par son utilisation de symboles plutôt que des caractéristiques, tu veux bien nous en parler ?

La première idée de Simulacres était de faire un système très court pour des livres jeux. Et je pensais que le descriptif est plus simple à appréhender mais en même temps, il enferme ce que l’on doit faire dans un carcan. La combinaison de symboles me semblait plus ouverte. Toute fois ce n’est pas un jeu qui manipule des icônes graphiques. Il y a toujours le nom du symbole à côté de l’icône.

Et c’est en combinant ces symboles que l’on déclenche des effets ?

Non. On décrit ce que l’on veut faire. Et après on voit quels symboles sont les plus appropriés. C’est l’effet qui amène à la combinaison qui elle même déclenche l’effet. Je veux impressionner quelqu’un… Je veux montrer mes muscles, j’utilise mon Corps. Ou je veux le terrifier en utilisant ses peurs, j’utilise mon Coeur. et ainsi de suite.

Tu co-dirigeais le magazine Casus Belli durant les années 80-90, période longtemps considérée comme un âge d’or du jeu de rôle. Notre période contemporaine est elle aussi dépeinte comme un âge d’or. Quel regard portes tu sur la production actuelle ?

D&D en France. Les éditeurs ont donc cherché des auteurs français. Et réciproquement. Pour moi deux jeux emblématiques sont Hurlement et Rêve de Dragon. Et le 2e « âge d’or » commence dès les années 2000, la démocratisation de la PAO, l’obligation de faire sans grands moyens puisque les éditeus sont indépendants. Et là on est dans un 3e âge, de bronze. Où les jeux sont de plus en plus nombreux et de plus en plus beau. ET de plus en plus différents. Se vendent-ils ? C’est une autre question… Et sinon je trouve la production très variée. Au point qu’il est impossible de la suivre.

Il y a en ce moment une vague de jeux qui semblent nouveaux parce qu’ils proposent de jouer sans meneur ou sans un système classique. Est ce que tu te souviens de jeux similaires par le passé ? ou de pratiques similaires ?

Sans meneur pas vraiment. Mais meneur tournant je crois. Les jeux qui m’ont marqués par leur originalité sont Ambre et Hurlements. Les deux n’ont pas de système classique. Dans Ambre Il n’y a pas de dés et c’est des discussions sur des enchères.Hurlements n’a pas de feuille de personnage visible des joueurs. et on peut passer plusieurs séances sans qu’un dé, lancé par le MJ, soit lancé. Il y avait aussi Hystoire de fou, où le PJ est amnésique et créé ssa feiulle de personnage au fur et à mesure du jeu, quand un choc psychique lui rappelle ce qu’il connaît ou sait faire.

question d’ErWiK (Auteur de SuperSix) : est ce qu’une nouvelle version d’Athanor ou de SimulacreS sont prévus ?

Simulacres je travaille depuis 2014 sur une nouvelle version que j’appele v8. Elle est disponible sur le groupe Facebook Simulacres – Le jeu de rôle élémentaire. Mais il n’y a pas d’édition classique prévue. En livre, avec des scénarios, etc. Athanor, pourquoi pas, mais j’écris très lentement, et je n’en ai pas trop le temps. Si je fais une nouvelle version ca sera sans doute dans une version à la Simulacres et plus à la Rêve de Dragon SF. Un éditeur m’a approché, mais cela ne veut pas dire que cela se fera.

question de Gulix : Bonjour Pierre, tu as « déposé » le terme rôliste pour qu’il reste accessible à toute la galaxie du JDR, pour que personne ne se l’approprie et le « ferme », si j’ai bien compris. As-tu déjà été approché par quelqu’un souhaitant l’acquérir ?

Pour rôliste c’est l’inverse, quelqu’un voulait fonder une société nommée Rôliste et demander un droit d’exploitation à tout produit qui aurait utilisé ce nom. Je lui ai coupé l’herbe sous les pieds.

J’ai vu que tu avais écris des livre-jeux (perceval le gallois et le prisonnier) proposant des aventures solo, tu veux bien nous en parler ?

C’était la collection Histoires à jouer, chez Presses Pocket, dirigée par JP Pécau et F Cayla. J’essayais d’y apporter parfois un peu de nouveau. Mais quelques touches d’originalités. Enfin je l’espère. Dans Perceval le Gallois, je suppose que le joueur va tricher à un moment. Et j’en tiens compte. Dans Le prisonnier, c’est une espèce d’un jour sans fin. On est coincé dans un complexe souterrain. On choisit le lieu où l’on va et à quelle heure. Et c’est ce qui donne le numéro. Si on ne s’est pas échappé en 24h, on recommence.

question de Julien Falconnet : Bonjour, et merci. Pierre tu représentes pour moi la génération des pionniers. Ceux qui « savaient » alors que je découvrais tout juste le JDR et que plus fort encore il y avait un magasine qui en parlait (CB). Je me suis posé pas mal de questions dans ma pratique mais c’est seulement à travers la cellule, les ateliers et la forge que découvert tardivement (2014) la richesse de la déconstruction et des analyses du JDR (GNS etc). Je suppose que dans les années 80-90 il y avait déjà des réflexions sur le JDR, comment les concevoir? comment innover? etc. Je me souviens que à l’époque un système simulationniste décrivait complètement autre chose que ce dont parle la GNS. Est ce que tu peux nous parler des théories de l’époque?

Alors justement il n’y avait pas de théorie. J’ai eu l’envie à un moment de créer des Cahiers du jeu de rôle, comme il y avait des Cahiers du cinéma. Mais ça aurait été pour avoir des analyses poussées des jeux, pas les théoriser. J’en aurais été incapable. Et c’est juste resté dans ma tête. Ceci dit la première édition à compte d’auteur de Simulacres est sous titrée : Essai sur la simplification du jeu de rôle. (En 32 pages :)) J’y disais que le JdR était trop complexe et trop spécifique. La version scannée est aussi sur le groupe FB Simulacres. Pour en revenir au début de la question : même si le rapport est ténu, c’est ce qui m’a donné envie de faire le Manuel Pratique du Jeu de Rôle. En demandant à des personnes variées des approches différentes. Mais toutes « classiques ».

question de ErWiK (Auteur de SuperSix) : est ce que simulacres est libre de droit ? si je veux faire ma propre version, le puis je ?

Simulacres est totalement libre de droit pour exploitation gratuite ou associative. Pour une exploitation commerciale, il faut me contacter. C’était déjà le cas avant que le SRD de D&D existe.

Tu nous fais le plaisir de participer en tant que jury à ce concours, qu’attends tu personnellement des jeux de rôle que tu vas découvrir ?

Justement c’est le bon mot : découvrir. J’espère être surpris et voir des choses originales, amusantes, terrifiantes et qui donnent envie.

Merci encore de t’être prêté à cette petite interview, un première !

Voilà. Finoto 🙂

Merci également aux personnes qui ont enrichit cette interview de leurs questions ainsi qu’à Eugénie qui m’a inspiré ce format 💚