Interview de Mathieu Tortuyaux

9 mai 2020

 

Petite interview de Mathieu Tortuyaux, membre du jury du concours « Il était une fois un petit jeu de rôle ». Cette interview est menée par Tiramisù le 16 Avril 2020 et enrichie des questions complémentaires de la communauté.

Pour commencer je vais te proposer de te présenter en quelques mots.

Alors Mathieu, heureux papa de deux petites filles de 4 ans et 10 mois, professeur d’anglais à l’université dans la vraie vie, et passionné de jdr, comics et football américain depuis 30/35 ans dans le désordre, ainsi que d’imaginaire et membre de Rôliste TV, mon deuxième boulot.

J’aimerais d’abord en savoir plus sur ce que représente ton implication dans Rôliste TV. Comment ça marche ? Combien de temps cela te prend ?

Beaucoup de temps ! Je dirais que c’est dans 15-20 h par semaine. Il y a la lecture de livres, de romans, les tournages et les montages. Et aussi animer nos comptes FB/Twitter/YT.

Combien d’ouvrages de jeux de rôle découvres-tu, disons chaque mois ?

Alors, nous recevons les services presses de la plupart (9/10) des éditeurs, nous faisons des demandes auprès des éditeurs anglophones, et j’achète aussi des jeux. Je tourne environ 6 videos par mois où j’apparais seul dont les gros projecteurs qui demandant beaucoup de temps. Il faut bien s’organiser. Et on aime surtout aller repérer des choses pas trop connues. Oui c’est beaucoup. Tant qu’on peut on le fait. A notre connaissance, on est le seul groupe non rémunéré/pro qui fait autant de choses dans le jdr. Ajoute les conventions etc…

Est ce que cela te laisse le temps de les jouer ?

Oui en plus!
J’ai une campagne maison qui tourne sous FATE depuis 12 ans (du fantastique urbain inspiré de Neil Gaiman qui s’appelle Lost Gods), une table de DD5, une autre de WW Wild West et en tant que joueur, une de Cthulhu. Je ne joue qu’en campagne

question de ErWiK (Auteur de SuperSix) : salut, pourquoi pas de one shot, tu n’as pas le temps ?

Bonjour Erwik, parce que je n’arrive pas à me limiter à une partie, me disant toujours qu’il y a tant à jouer. Par exemple, ma campagne de 12 ans devaient durer…3 parties seulement! J’aimerais faire du one shot mais en fait, le temps de lire le jeu, préparer le scénario est parfois plus long que le scénario lui-même et l’on passe à autre chose. Frustrant… (je le faisais plus jeune néanmoins)

question de Kinayla : Et le one shot en tant que joueur ?

Oui, car l’investissement en tant que joueur est bien moindre.

En t’écoutant, j’ai constaté que tu étais passionné par les univers de l’imaginaire, au delà du jeu de rôle. Quelles sont tes pratiques en ce sens ? Qu’est ce qui te passionne dans ces univers ?

Oh là, que dire? Une forme d’escapisme? Pourtant je suis incapable de m’évader à outrance dans des mondes imaginaires quand ça ne va pas dans ma vie personnelle. Le voyage, sous toute ses formes, est quelque chose qui est un grand thème chez moi. La curiosité, et comme je dis à mes étudiants: tuez l’ignorance et ce monde sera meilleur.

question de manu : Bonjour, vous avez, je crois (d’après le GROG), déjà écrit un jdr, en avez-vous refait d’autre ?

C’est en effet un point commun avec Sophie Briand, membre de ce jury que j’ai interviewée il y a deux jours : tu as toi aussi participé à la création d’un jeu de rôle Steampunk ! Tu veux bien nous parler de sa création ?

En fait, après 12 ans de campagne, c’est comme si tu avais écrit un jeu. Il y a l’univers bien sur (j’ai 200 pnj, plusieurs endroits, époques de décrits, le système Fate que l’on a mis sur le tard dessus quand je l’ai découvert et qui allait parfaitement). Mais comme c’est très axé sur les personnages, il faudrait tout généraliser et ce n’est pas évident. J’ai déjà pensé. Je pense qu’un jeu sur Terremer serait superbe. Mais il y a une question de temps et mes joueurs et joueuses préfèrent je pense que je consacre ce temps à eux et leurs aventures 🙂

Pour Uchronia 1890, je l’ai fait avec Olivier Legrand, un de mes plus anciens amis avec qui nous avons fait nos grands moments ludiques. On voulait créer un univers steampunk qui était quasi inconnu en france du grand public (on adorait Powers) et on a eu l’idée de ce monde où la découverte du Vulcanium a changé la face du monde. Mais que ce monde là, avait aussi d’autres habitants, à la Welles… Olivier et moi rebondissions très bien (avec Zaidin Amiot aussi). Ensuite on a pas arrêté ensemble mais j’ai quitté Caen donc nous avons surtout joué ensemble Ambre, Doctor Who, Watchmen, et lui joueur sur Wraith et un jeu de super heros maison dont on se renvoyait la balle par scénario interposés, Behind the Mask.

Est ce qu’il y a des jeux de rôle méconnus qui t’ont profondément marqué ? Que tu aimerais faire découvrir ?

Alors, joué, il y a eu Godlike, pendant la Seconde Guerre mondiale où l’on joue des super héros mais dont le destin peut basculé en un coup, ce qui nous met dans des situations des plus tendues. Vraiment très fort. Et il y a aussi le jeu Blue Rose une sorte de Fantasy romantic chez Green Ronin. Et puis Fate car il a cet aspect narrativiste que je fais depuis très très longtemps autour de ma table et où les mots sont convertis en données de jeu. J’ai toujours pensé que Ambre aurait été parfait pour un système à la Fate. Et pour finir en SF le très bon Firefly, l’adaptation de la série éponyme chez Maragret Weis… mais introuvable maintenant car plus du tout édité.

question de Fouderock : Avec la situation sanitaire actuelle, quelle sont pour toi les perspectives pour le JDR pour l’année / les années à venir ? Y a-t-il des JDR qui risquent d’être mort-nés post-crise, un développement dû « en ligne », etc..?

Jouons les Madame Irma! 😄

Il est évident que les sorties physiques vont avoir beaucoup de retard. Les sorties pdf continuent à arriver avec de beaux gestes des éditeurs. C’est une période qui coûte cher en trésorerie, c’est sûr. Ensuite il y a un modèle de financement participatif mais que l’on revoyait des sorties directes en magasin, les choses sont moins sures maintenant. Je ne pense pas qu’il y aura des morts nés. Si je voulais être taquin, je dirai que c’ets de toute façon le cas des jeux qui sortent en CF. Leur vie est déjà faite quand ils arrivent en magasin dans une grosse partie.

Ensuite, pour le « en-ligne », pas sûr du tout que cela reste une fois que ça sera terminé. Les « vieux joueurs » aiment ce contact physique. Je ne dis pas que l’un exclut l’autre et je trouve super de jouer en ligne. Mais il y a de l’émotion en moins, très clairement, et c’est ce que je veux que l’on ressente autour de la table pour ma part. Cette crise à la force de nous faire découvrir plein de supports (je ne savais à quoi ressemblait Discord il y a 3 semaines). Permet de nouvelles pratiques mais je veux voir mes amis !!!!!!! 😄 plus sérieusement, les éditeurs vont en revanche faire encore plus pour le dématérialisé, c’est certain.

Tu as commencé à proposer depuis quelques mois des vidéos sur des jeux de rôle indépendants. Qu’est ce qui t’intéresse dans ces propositions ?

Ce que j’aime c’est le vivier d’idées. On y trouve des jeux qui sont très originaux et personnellement, tout comme à RTV, nous détestons les clochers. Pour ma part, ceux qui dénigrent ces jeux car [mets ce que tu veux dedans| sont autant à fuir que les chantres du narrativisme pontifiants qui veulent t’expliquer que tu n’as rien compris.

Il y a des idées à prendre partout. Dans ma pratique, j’inclus beaucoup mes joueurs dans la narration (mais cela existe depuis très longtemps) car je veux créer avec eux, même si je garde la paternité de mon monde. Le jdr c’est comme le sport: pour un grand match, il faut deux grandes équipes. Et dans le but de faire découvrir, nous avons l’audience pour le faire. Je trouvais aussi que c’était bien de les amener vers un très grand public et j’ai bien ressenti que les auteurs voulaient des critiques car cela cassait le « circuit fermé » des réseaux qui parlent de ces jeux. Cela se sent inconsciemment dans la rédaction des jeux d’ailleurs.

Rôliste TV est reconnu pour ses ouvertures critiques, mettant en avant les ouvrages de jeu de rôle, leur mise en page et leurs illustrations. Dans ce concours nous attendons des textes bruts ! Quel regard portes-tu sur ce format de jeu ?

Là c’est le prof qui va parler ! Un français de qualité. Pas d’anglicisme, pas d’anglais à la Netflix. Je vois trop de jeu où l’on a ce genre d’expression dans des traductions calques. Ensuite
que la personne se dise que son lecteur n’y connaît rien, pour expliquer clairement et synthétiquement (énorme défaut des jdr en général: les auteurs sont tellement dedans qu’ils oublient que l’on ne connaît pas). Et sentir la passion. Je préfère quelque chose où la personne aime ce qu’il/elle fait que quelque chose de carré et de froid.

Tu as accepté très rapidement et avec enthousiasme de rejoindre le jury de ce concours, cela fait chaud au cœur !

Merci, mais j’aime découvrir de belles choses. Et comme je lis beaucoup de jeu, on voit vite ce qui passe ou non, indépendamment de ses goûts personnels.

question de Saphie : est-ce que vous avez lu « Yenka! » le mini jdr présent dans le casus belli n24 ? C’est un jeu qui a participé a la 1er édition de ce concours et a été « augmenté » pour la sortie magasine, j’aurais aimé avoir un retour dessus.

Je dois hélas dire que non… mais ça a l’air très bien ! j’aime beaucoup le thème !

Merci beaucoup de t’être prêté à cette petite interview Mathieu !

Merci à vous tous, bonne inspiration et bonne écriture ! Ce fut un plaisir!

Et aussi merci aux personnes qui ont contribué en posant des questions !